Grippe aviaire : le Conseil d’État aux ordres du Ministère

Communiqués de presse

Le Conseil d’État vient de rejeter les trois recours déposés par nos huit  syndicats et organisations qui demandaient l’annulation des arrêtés grippe aviaire généralisant l’obligation de claustration de toutes les volailles sur le territoire national.

Nous déplorons vivement cette décision hors-sol, copier-coller des arguments du Ministère, qui l’exonère de ses choix sanitaires irresponsables, sans même prendre la peine de répondre à nos objections. Nulle part dans sa décision, le Conseil d’Etat n’évoque d’ailleurs la situation catastrophique actuelle : plus de 1164 foyers, déjà trois fois plus que l’année dernière, quatre fois plus d’animaux abattus et la claustration de toutes les volailles de France depuis novembre serait une réussite ? 

Ces textes empêchent bel et bien les éleveurs·ses fermiers·ères et biologiques de travailler en plein-air, nuisent au bien-être des animaux et à la qualité des produits. Ils font tous les jours la preuve de leur inefficacité pour lutter contre la propagation de la grippe aviaire.

L’épidémie connaît en effet une flambée inédite dans le Grand Ouest et les nombreux dysfonctionnements de gestion se multiplient. Les conditions d’abattage et d’équarrissage en témoignent. Pourtant, dans son avis de mai 2021, l’Anses  recommandait à l’État « de disposer en amont de la crise d’une estimation des quantités maximales de cadavres qui pourraient nécessiter une prise en charge en cas d’événements exceptionnels à l’échelle d’un territoire par exemple d’un département ». 
Les recommandations de l’Anses n’ont pas été davantage suivies s’agissant des mouvements : des lots de canetons ont continué à circuler des Pays-de-La-Loire à la Bretagne et en Dordogne ces derniers jours, alors même que l’Anses avait recommandé le 7 mars dernier de stopper ces mouvements.
En imposant cette claustration comme seule mesure pour « éviter l’influenza aviaire », comme le prétendait le Ministre en septembre dernier, c’est toute la production fermière traditionnelle de qualité, celle qui fait rêver les consommateurs·trices et prend soin des animaux, qui disparaît. Cette politique de lutte a échoué face au risque d’introduction par la faune sauvage : tous les primo-foyers sont des élevages en claustration. Les ventilations dynamiques, les personnes, matériel ou animaux infectés ont fait entrer le virus dans les exploitations. L’enfermement des volailles n’a pas empêché non plus la diffusion : dans les zones denses, la propagation par l’air, par les flux (de personnes, de matériel, d’animaux, les abattages ou l’équarrissage) est devenue incontrôlable. 
 
Il est irresponsable de désigner les élevages fermiers et biologiques de plein-air comme bouc-émissaire alors qu’ils sont la solution et de croire en l’efficacité absolue de la biosécurité alors que les causes sont structurelles. La filière avicole française est le symbole du « produire plus » poussé à son paroxysme : une forte segmentation des différentes étapes de production, une très forte concentration des élevages dans certaines régions, une importante densité animale par élevage et une génétique industrielle. Les effets négatifs de cette dérive productiviste explosent aujourd’hui. Vecteurs de la propagation de la grippe aviaire, les élevages industriels sont de plus en plus dépendants d'une alimentation importée d'Ukraine ou d'Amérique du Sud. Il est temps de changer de modèle d'élevage. 


Face à la responsabilité historique du gouvernement et des filières vis-à-vis des éleveurs·ses, nous demandons à l’État : 
- que la réglementation sanitaire soit adaptée en fonction des risques (liés notamment aux zones, au mode d'organisation de l'élevage, sa taille) ; 
- un moratoire sur les nouveaux bâtiments industriels ; 
- d'engager et de financer un grand plan de conversion des productions animales industrielles pour les dés-intensifier et d’assurer véritablement la souveraineté alimentaire.


Avant toute décision de repeuplement, l’Etat doit reconstruire une production de volailles résiliente aux crises sanitaires, économiques, sociales et environnementales. Les éleveurs·ses de plein air ne se laisseront pas abattre. C’est pourquoi de nombreuses mobilisations sur le terrain sont prévues dans les jours à venir.